Juliette Young - Conflits à la loupe - COMUE Université Bourgogne-Franche-Comté

Juliette Young – Conflits à la loupe

Forte d’une approche interdisciplinaire, spécialiste de biodiversité et de science politique, Juliette Young a obtenu un fellowship de l’I-SITE d’Université Bourgogne Franche-Comté. Elle étudie, sur le terrain, dans le cadre d’un dispositif d’action-recherche original, les conflits liés à la transition agro-écologique.

Depuis qu’elle est enfant, Juliette Young voyage, visite le monde, avide de découvertes. Ce goût pour la rencontre avec l’Autre explique, au moins en partie, sa capacité à écouter et à comprendre, son esprit de tolérance, son empathie, son enthousiasme aussi. Son père était un diplomate britannique. Sa famille a déménagé au gré de ses nominations : Londres, Damas, Paris, New Delhi… « Sans même m’en rendre compte, je me suis habituée à changer de lieu de vie tous les trois ans environ », résume Juliette Young, le sourire aux lèvres. De fait, son CV est un album de voyage. Son bac scientifique en poche après ses années de lycée français, elle décroche un bachelor de zoologie à Londres. Elle s’accorde ensuite quelques mois pour travailler dans un centre d’accueil et de soins pour chimpanzés au Sierra Leone. Un coup militaire l’oblige à rentrer en Europe. Elle s’installe à Leeds pour passer un master en biodiversité et préservation des espèces. Dans la foulée, direction la Polynésie, pour étudier des parasites qui, profitant de la déforestation, s’attaque aux figuiers des îles Cook. Retour au Royaume-Uni, cette fois près d’Aberdeen, où Juliette Young est recrutée au Center for Ecology and Hydrology pour travailler sur le projet européen Bioforum. Objectif : comprendre les conflits qui émergent entre la préservation des espèces et les autres activités humaines. « Je découvre alors que, dans les situations conflictuelles, injecter du savoir scientifique permet de mieux comprendre le conflit mais suffit rarement pour y mettre fin. La science n’est pas la seule clé pour sortir d’un conflit. Par exemple, même si on avance des arguments scientifiques et des chiffres étayés sur l’impact de la présence du loup, les conflits entre éleveurs, défenseurs de la faune sauvage et autres acteurs perdurent en raison de la profondeur et de la complexité des conflits humains. » Cette expérience nourrit sa thèse, obtenue à l’University of East Anglia : à la croisée des chemins, entre la zoologie et la science politique, Juliette Young décortique les mécanismes conflictuels qui sont à l’œuvre dans les zones Natura 2000 en Écosse. La jeune docteure élargit ensuite ses recherches aux relations entre connaissance scientifique, décision politique et opinion publique, devenant coordinatrice d’Eklipse, programme de recherche financé par la Commission européenne.

En 2018, Juliette Young traverse la Manche et s’installe à Dijon, où son mari obtient un poste à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). En 2019, elle obtient, pour une durée de trois ans, un fellowship octroyé dans le cadre du PIA ISITE-BFC porté par Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC), en tant que chercheuse junior. Ce fellowship ISITE-BFC (tenure track) lui permet de nouer de fortes relations de travail avec les chercheurs de l’unité mixte de recherche (UMR) Agroécologie, dont la co-tutelle implique INRAE, le CNRS et UBFC via AgroSup Dijon et l’université de Bourgogne. Il contribue ainsi à la poursuite de sa carrière : en décembre 2020, elle est titularisée par INRAE, et est nommée directrice de recherche au sein de l’UMR Agroécologie. Le sujet de ses travaux est toujours lié à l’analyse des ressorts des conflits, mais cette fois dans le domaine spécifique de la transition agro-écologique. « Nous étudions actuellement trois cas précis liés à l’utilisation des produits phytosanitaires : dans l’Auxerrois, nous évaluons les questions liées à l’impact des intrants sur la qualité de l’eau, dans le Mâconnais, les relations entre la viticulture et les riverains et près de Dole, celles entre agriculteurs et apiculteurs. » Dans chaque cas, le travail de l’équipe – composée de quatre personnes – menée par Juliette Young consiste à analyser le contexte et l’historique du conflit, les positions et visions de chacun ainsi que les freins et leviers à la mise en œuvre d’une solution. Au total, les chercheurs ont mené une soixantaine d’entretiens, restitués par des vidéos qui seront projetées en ouverture de « transformation labs » réunissant les parties prenantes. « L’objectif de ces labs est de favoriser la compréhension mutuelle, de permettre aux acteurs d’élaborer et de coproduire eux-mêmes, les solutions. » Ce dispositif place la chercheuse dans une double posture d’observation mais aussi d’intervention, dans le cadre de différends où les enjeux sont à la fois écologiques, économiques et sociaux. Ce dispositif d’action-recherche passionne Juliette Young. « Cela permet de mieux comprendre les conflits autour des questions environnementales et de déterminer jusqu’à quelle échelle ce genre de dispositif participatif fonctionne. »