Charlotte Sinding, le goût des sciences - COMUE Université Bourgogne-Franche-Comté

Charlotte Sinding, le goût des sciences

Charlotte Sinding - © Patrice Bouillot / La Plume et le Micro
Chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de Dijon, Charlotte Sinding travaille sur la manière dont notre cerveau perçoit l’odeur et le goût des aliments. Elle a reçu, en 2020, le laurier du « jeune espoir scientifique » d’INRAE.

Charlotte Sinding a fait une drôle de découverte en se penchant sur la manière dont notre cerveau « gère » l’odeur et le goût des aliments.
Elle a d’abord compris que les deux sens impliqués sont, à un moment, intégrés et combinés par notre cerveau : odeurs et saveurs ne forment plus qu’un, la flaveur.
Elle a ensuite identifié que l’odeur d’un aliment joue un rôle absolument déterminant pour identifier ce que l’on déguste. « Le cerveau combine naturellement les informations et associe certaines odeurs à des saveurs – salé, sucré, acide, amer ou umami. Si l’on diminue la teneur en sel d’un aliment mais que l’on augmente les arômes, ou odeurs, liées au salé, par exemple l’odeur de poulet rôti, le goûteur aura la perception d’un produit plus salé qu’il ne l’est en réalité », explique la chercheuse.

Pour comprendre ces mécanismes, Charlotte Sinding pratique des expériences neurosensorielles sur des centaines de volontaires. Grâce à l’électro-encéphalographie d’une part et à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) d’autre part, elle a étudié les zones du cerveau stimulées lors de séances de dégustation. Conclusion : « Le cerveau intègre d’abord, l’odeur et la saveur sous forme de flaveur. Cette représentation mentale de l’aliment, la flaveur, permet ensuite le renforcement de la saveur par l’odeur. En découle la thèse selon laquelle les zones gustatives premièrement activées par la présence de sel dans un aliment seraient suractivées dans un second temps par les odeurs de cet aliment : l’aliment serait alors perçu plus salé qu’il ne l’est réellement. ». Pour mener à bien ce genre d’expérience, encore faut-il avoir identifié des odeurs qui font mouche. Et là, tout dépend du parcours personnel et de la culture des candidats. « En France par exemple, nous associons la vanille au sucré, en Chine, c’est le citron qui est considéré comme tel. Nous étudions aussi des cultures culinaires comme celle du Mexique. »

Un voyage à travers les cultures culinaires qui n’est pas pour déplaire à cette chercheuse de 36 ans. Née en Norvège de parents français, elle a passé son enfance au Portugal avant de s’installer en France, puis de s’offrir une parenthèse de trois ans en Allemagne.

Attirée depuis toute petite par les insectes, elle se lance d’abord dans des études d’éthologie, à Rennes. Pour sa thèse, qu’elle prépare à l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) de Dijon, elle étudie la manière dont le cerveau du lapereau et celui de l’homme perçoivent les mélanges d’odeurs. Pour encore mieux comprendre les processus à l’œuvre, elle se lance dans les neurosciences, dans le cadre d’un post-doc à Dresde. De retour en France, elle réintègre le centre INRAE de Dijon en 2015 comme chargée de recherche.

Charlotte Sinding est membre du département TRANSFORM (Aliments, produits biosourcés et déchets) du Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation (CSGA), unité mixte de recherche associant le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Université Bourgogne-Franche-Comté (UBFC), INRAE et AgroSup Dijon.
UBFC a, par l’intermédiaire du programme d’investissement d’avenir (PIA) ISITE-BFC, financé environ pour moitié la mise en œuvre du programme de recherche de la jeune femme. Un financement récemment obtenu auprès de l’Agence nationale de la recherche (ANR) va permettre sa poursuite pendant quatre ans. « On connaît mal le fonctionnement des goûts et des odeurs. Cela nous amène à travailler sur ce qui est inné et ce qui relève de l’apprentissage, sur la représentation des aliments. Ce sont des questions fondamentales pour améliorer l’alimentation dans nos sociétés et relever des enjeux majeurs de santé. » Car l’une des applications possibles des travaux de Charlotte Sinding, c’est la possibilité de proposer à certaines populations souffrant d’obésité, d’hypertension ou de diabète des produits alimentaires sains, de qualité et qui procurent du plaisir tout en contenant moins de sel ou de sucre.
Un espoir de taille, qui justifie l’attribution, à la chercheuse dijonnaise, du laurier INRAE 2020 du « jeune espoir scientifique ». « Cette distinction récompense le caractère innovant et original de nos recherches. Il apporte une reconnaissance et une légitimité à notre travail, qui vont nous permettre de renforcer encore les liens avec nos partenaires comme les centres hospitaliers universitaires (CHU) de Dijon et de Besançon. »