Pourquoi le fer est indispensable à notre santé
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Le fer est un élément incontournable dans de nombreuses réactions biochimiques de notre corps.
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Aux origines des carences et anémies
Une carence en fer (dite martiale ou sidéropénie) se définit par des réserves corporelles en fer inférieures à une norme déterminée par le corps médical ; elle est désormais considérée comme la carence nutritionnelle la plus fréquente au monde. Elle peut être induite par une pathologie (maladies de la muqueuse intestinale comme des ulcères gastroduodénaux ou un cancer colorectal, diarrhées chroniques…) ou en lien avec des apports insatisfaisants : malnutrition, régime végétarien extrême (végétalien), régime amaigrissant. Bien qu’il faille distinguer la sidéropénie (réserve faible) de l’hyposidérémie (faible de taux de fer dans le plasma du sang), la carence en fer s’évalue à l’aide d’un hémogramme, par dosage de la ferritine dans le sang. La ferritine est une protéine présente dans toutes les cellules du corps, et en particulier dans celles des organes qui servent de réserve de fer, comme le foie, la rate, la moelle osseuse, les muscles squelettiques et bien sûr les cellules sanguines. Le seuil inférieur communément admis pour diagnostiquer une carence en fer est de 15 µg/L de ferritine dans le sang. Ce seuil reste cependant arbitraire et dépend du sexe, de l’âge, de l’état de santé et parfois même des opinions des experts. Pour une femme adulte, l’intervalle de référence est de 5 à 204 µg/L pour le CHU de Liège (Belgique) quand il est de 18 à 160 pour les hôpitaux français. Pour un homme adulte, la teneur en ferritine jugée dans la norme se situe entre 22 à 275 pour la Belgique et 18 à 270 pour la France. Une carence prolongée de fer conduit à une anémie dite « ferriprive », qui se définit par un déficit en globules rouges dans le sang. Chez l’homme, elle est statuée quand l’hémogramme indique un taux d’hémoglobine inférieur à 130 g/L et à 110 g/L chez la femme. Elle est considérée comme sévère quand le taux d’hémoglobine est inférieur à 70 g/L.Quelles conséquences pour la santé ?
La carence en fer conduit à des troubles du sommeil, une fatigue prolongée notamment chez l’adolescente ayant des règles abondantes. Chez les femmes enceintes, elle peut conduire à des naissances prématurées, à des enfants de poids inférieurs à la norme et avec risque de déficits mentaux. Le syndrome des jambes sans repos seraient aussi en partie lié à un déficit de fer, notamment chez les femmes enceintes.
Il existe des carences en fer sans anémie (la teneur en globule rouge reste normale), ce qui compromet également le fonctionnement normal du corps : fatigue, fonction cognitive diminuée (perte de capacité de réflexion), adaptation à l’effort plus difficile… Elle est malheureusement généralement sous-estimée car difficile à diagnostiquer ; elle est même difficile à identifier pour le patient. L’altération des muqueuses orales accompagnée d’une candidose pourrait en être un indicateur.
Son impact peut également être plus global.
La carence alimentaire en fer est ainsi considérée comme la première dans le monde si vous vous référez au paramètre DALYs (disability adjusted life years) – qui représente le nombre d’années de vie en bonne santé perdues, en lien avec une ou des maladies et les conditions de vie (Salomon, 2014). On parle en France d’Espérance de vie corrigée de l’incapacité (EVCI).
L’espérance de vie de référence pour un humain, idéal absolu sans maladie, est de 92 ans. Dans la réalité, l’espérance de vie moyenne dans le monde est de 73,4 ans, de 82,5 ans en France (11e rang mondial) avec une espérance de vie en bonne santé de 66 ans dans le monde et de 72 ans en France (8e rang mondial) selon l’OMS.
Les maladies cardiovasculaires représentent presque 21 % des DALYs en France, suivies des cancers (13 %). En Europe, le poids de morbidité des anémies ferriprives est de 6,3 % des DALYs, ce qui n’est déjà pas négligeable, mais dans d’autres pays, elle constitue un facteur de décès prématuré parmi les plus importants : près que 40 % des DALYs en Asie du Sud-Est, 19 % dans le Pacifique Ouest, 17 % en Afrique, 8,1 % sur l’ensemble de l’Amérique.
En France, le poids de morbidité due à une anémie ferriprive pour les femmes de 25 à 44 ans a été évalué à 6,5 DALYs pour 100 000 individus par an, soit 16 DALYs pour l’ensemble d’une vie. Un scénario consistant à faire accroître la consommation de viande bœuf jusqu’à atteindre une moyenne de 100 g de viande hachée par jour n’élimerait pas complètement l’anémie ferriprive chez ce public mais abaisserait le DALYs de 16 à 7,2 (pour 100 000 individus et pour une année).
Ph Cayot, d’après les donnes AFD, 2020 ; Lewis et Emmanuel, 2010 ; Salikha, 2018 ; Schneider, 2019 ; WHO, 2019 ; Wiysonge, 2018), Fourni par l’auteur.
Carence et anémie : qui est touché ?
50 à 80 % de la population mondiale est carencée en fer, sans nécessairement être anémiée. Deux milliards d’humains sur terre seraient ainsi anémiés selon l’OMS. La carence en fer concerne toutes les populations, sans distinction de niveau de vie (PIB, IDH), de sexe, de groupe ethnique ou de culture.
Il existe cependant quelques nuances : les femmes (en âge de procréer) sont les plus touchées, puis les enfants. Aux États-Unis, alors que seuls 3 % des hommes adultes (de moins de 70 ans) sont déficients en fer ou anémiés, de 9 à 16 % des femmes de 12 à 49 ans sont concernées.
En France, 1,6 % des hommes sont anémiés contre 8,8 % des femmes, et dans 75 % des cas en raison d’un déficit en fer. La carence concernerait 5 % des hommes de 25 à 44 ans contre 32 % des femmes de 25 à 44 ans (non ménopausées). La prévalence de cette carence atteint 44 % des jeunes filles de 15 à 17 ans en France, ce qui est considérable, et 20 % des petits garçons et 31 % des petites filles de 7 à 11 ans. 80 % des DALYs liées à l’anémie ferriprive sur l’ensemble de la population française sont dues aux menstruations des femmes.
La prévalence des anémies est encore plus importante dans des pays où les conditions de vie sont modestes, et l’accès à une alimentation de qualité, dont une partie d’origine animale, est réduite voire inexistante : plus de 40 % des femmes en âge de procréer en Afrique subsaharienne et centrale sont anémiées, tout comme en Inde, au Brésil ou au Pérou. Les enfants sont aussi concernés dans les pays aux conditions de vie modestes : 43 % des enfants de moins de 5 ans seraient carencés en fer à travers le monde.
Hors maladies, un dernier groupe est concerné par l’anémie : les coureurs à pied de grand fond (marathon, trail, ultra-trail) et des marcheurs de plus de 50 ans. Les origines de ces déperditions augmentées par l’effort sont multiples : pertes sudorales et urinaires importantes, parfois saignement digestif et hémolyse (destruction de globules rouges). La carence en fer alors observée est aussi due à l’hémodilution (liée à des prises abondantes de boisson durant et après l’effort). L’effet disparait après 48h. L’hémolyse, observée par exemple durant un ultra-trail, proviendraient des chocs planaires répétés sur une longue période mais aussi de la forte compression répétée des muscles durant l’effort.
Comment y remédier ?
La tentation est grande de prescrire des compléments alimentaires riches en fer. Les solutions pharmacologiques sont d’ailleurs nombreuses : sulfate de fer, fumarate de fer, gluconate fer par voie orale mais aussi hydroxydes de fer en présence de glucose ou de dextrines, du gluconate de fer par voie parentérale (injection musculaire)…
Mais il a été démontré depuis longtemps que cette stratégie est vouée à l’échec à long terme : l’observance d’une complémentation par un nutraceutique s’effrite en effet à long terme. Outre la lassitude et l’oubli, l’inconfort qui l’accompagne peut expliquer cette chute puisqu’ils conduisent notamment à une irritation du colon.
Un nouveau complément semble toutefois offrir un vrai confort digestif car peu pro-oxydant, tout en étant très performant : le bis-glycinate de fer présente une biodisponibilité très supérieure au sulfate de fer (absorption du fer 4 fois supérieure). Le plus efficace toutefois reste d’agir sur ce que l’on mange et de modifier son régime alimentaire, comme nous le présentons dans un second article.
Philippe Cayot, Professeur des Universités en Chimie & Formulation des Aliments et Chimie des Procédés Alimentaires, Institut Agro Dijon
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.