Comment dessiner la carte du ciel ? - COMUE Université Bourgogne-Franche-Comté

Comment dessiner la carte du ciel ?

[Publié le 19 janvier 2022]

L’astrométrie permet de dresser des cartes du ciel. Ryan Hutton/Unsplash, CC BY-SA

Le satellite astrométrique Gaia de l’Agence spatiale européenne (ESA) a été lancé le 19 décembre 2013. Il opère depuis un balayage systématique du ciel dans le but de le cartographier, pour une durée initialement prévue de 5 ans. Les conditions technologiques permettant le fonctionnement de la mission étant toujours opérationnelles, elle sera poursuivie jusqu’en 2025.

L’astrométrie est la branche la plus ancienne de l’astronomie, qui vise à mesurer les positions et les mouvements des astres. Sur la voûte céleste, on ne mesure évidemment pas les distances à l’aide d’un mètre, tout se traduit par une mesure d’angle, entre deux astres, ou entre un astre et une position de référence définie sur le ciel. La force de Gaia est sa capacité à mesurer des angles minuscules. Doté de deux télescopes dont la position relative est très stable, ainsi que d’un détecteur à 1 million de pixels, et situé en dehors de l’atmosphère terrestre qui brouille l’observation, le satellite Gaia peut ainsi résoudre des détails angulaires aussi petits que trois milliardièmes de degrés (la taille d’une pièce d’un euro vue depuis la Lune). Cette précision inégalée permet à Gaia de mesurer la position des étoiles et leur déplacement sur la voûte céleste, et d’estimer leur distance par la méthode de la parallaxe, pour presque deux milliards d’étoiles dans la Voie lactée.

Le déplacement de la Terre autour du Soleil en une année induit un mouvement apparent des étoiles, appelé effet de parallaxe. Ce déplacement apparent est inversement proportionnel à la distance de l’étoile : plus elle est proche, plus son déplacement semble grand, de la même façon que l’arbre à proximité de la voie ferrée semble plus se déplacer que la montagne éloignée pour le voyageur en train. L’étoile la plus proche, Proxima du Centaure, a un déplacement apparent qui couvre un angle très petit : prenons le degré, la petite graduation d’un rapporteur, et divisons-la par 5140, et nous aurons une idée de son déplacement apparent au cours de l’année.

Une extraordinaire moisson de données

Les données du satellite sont traitées au sol par le Data Processing and Analysis Consortium (DPAC), dans lequel de nombreuses équipes françaises sont impliquées à tous les niveaux de la chaîne de traitement des données. Il en ressort des catalogues successifs, appelés DR pour « data release », qui sont publiés au cours de la mission : DR1 en septembre 2016, DR2 en avril 2018, la première partie du troisième catalogue, Early-DR3 en décembre 2020.
Découvrez les cartes du ciel présentées par Céline Reylé à l’observatoire de Besançon, Des observatoires astronomiques (Lieux de Science épisode 1, Grand Labo).
Les trois premiers catalogues ont déjà impacté fortement tous les champs de la discipline astrophysique, avec près de 5 000 résultats publiés dans des revues scientifiques spécialisées (découvertes de nouveaux astres par milliers tels que des naines blanches, des naines brunes, des astéroïdes…). Chaque nouveau catalogue offre la promesse de nouvelles découvertes. Il apporte une précision, une exactitude et une homogénéité qui constituent des avancées majeures dans la connaissance de la Voie lactée, et au-delà.

Un long chemin entre les observations et les données publiées

La production de chaque catalogue est un projet à part entière. Il apporte un nouveau niveau de complexité qui demande la conception et la mise en œuvre de méthodes innovantes dans le traitement des données. Les raisons en sont l’augmentation du nombre d’observations à traiter, la production de nouveaux paramètres astrophysiques à chaque version, ainsi que l’amélioration de la précision des mesures qui nécessite de considérer des effets de plus en plus fins.

Densité d’étoiles sur la voûte céleste observées par Gaia, à gauche, et prédite par le modèle de la Voie lactée utilisé dans le simulateur de Gaia, basé sur le modèle de la Galaxie de Besançon, à droite. Les régions de plus forte densité, dans le centre de la Voie lactée et le plan galactique, sont représentées en rouge. Celles de plus faible densité sont en bleu.
C. Reylé, Gaia DPAC, ESA

Enfin, chaque catalogue exige la validation de données plus nombreuses et plus précises, par exemple en comparant avec d’autres observations ou avec des simulations calculées à partir de modèles. Ainsi, plus de deux années s’écoulent entre le moment où les dernières observations sont acquises et la livraison du catalogue à la communauté scientifique (pour être plus précis, le catalogue est libre d’accès à tous, pas seulement les scientifiques, même si ce sont eux surtout qui vont l’exploiter).

L’aventure continue

Le DPAC travaille maintenant à la production de DR3 dont la publication est prévue au printemps 2022. Il sera suivi de deux autres, DR4 en 2025 et DR5 en 2028. Un saut supplémentaire sera effectué avec ces derniers catalogues, avec de nouveaux produits ajoutés. DR3 sera ainsi complété par des paramètres physiques tels que la température, le rayon, la masse…) de 300 millions d’étoiles, des courbes de lumière de sept millions d’étoiles variables, des paramètres orbitaux d’étoiles binaires, des classifications morphologiques de deux millions de galaxies et quasars, un catalogue dédié aux Nuages de Magellan. DR4 quant à lui s’accompagnera du catalogue très attendu de dizaines de milliers d’exoplanètes, principalement des planètes géantes gazeuses.

Ces nouvelles moissons de données révèleront de nouvelles inconnues, soulèveront de nouvelles questions et permettront d’aborder les grandes questions de l’astrophysique.

Céline Reylé, Astronome à l’Institut UTINAM, Observatoire des Sciences de l’Univers THETA Franche-Comté Bourgogne., Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.