Bonnes feuilles : « Traverser l’épreuve en pleine conscience. Six étapes pour se reconstruire » - COMUE Université Bourgogne-Franche-Comté

Bonnes feuilles : « Traverser l’épreuve en pleine conscience. Six étapes pour se reconstruire »

Vécue avec conscience, une épreuve peut devenir initiation. Hassas_Arts / Pixabay, CC BY-SA

Cet article est composé d’extraits du livre de Catherine Pourquier Traverser l’épreuve en pleine conscience. 6 étapes pour se reconstruire, reproduits avec l’aimable autorisation des éditions Jouvence, paru en février 2022.

L’ouvrage propose un cheminement personnel grâce à 54 défis et des feuilles de route individuelles. Il offre des éclairages sur l’ensemble du processus de deuil notamment dans ses aspects émotionnels ainsi que des outils concrets pour pacifier l’épreuve rencontrée et (re)trouver une sérénité intérieure.

Les formes de l’épreuve sont multiples : la perte d’un être cher, d’un amour, d’un travail, d’un espoir, de la santé, de la jeunesse… Si ces manifestations sont diverses, l’expérience est universelle. Incompréhensible, inacceptable, incontrôlable, l’épreuve est un défi qui nous met en mouvement malgré nous. L’enjeu est d’être présent·e, malgré tout ; d’oser, d’avoir le courage d’être là.

L’épreuve traversée nous rend plus vivant·e·s. Vécue avec conscience, l’épreuve devient initiation. De nombreux mythes évoquent la traversée 3, elle est en lien avec le voyage, la promesse d’un ailleurs. […]

Elisabeth Kübler-Ross a étudié de très près le « grand voyage », elle est à l’origine de la création des unités de soins palliatifs. Elle a mis en évidence des étapes dans le processus de deuil. L’épreuve ultime, la mort d’un proche ou sa propre mort, impose à la psyché « un apprivoisement » du réel qui passe par un processus émotionnel universel et profondément humain.

L’universalité du processus permet selon moi de l’appliquer à toute épreuve dès lors qu’elle opère une nécessité de changement radical dans notre vie. Les étapes du processus de deuil décrit par E. Kübler-Ross sont les suivantes par ordre chronologique : le choc, le déni, le marchandage, la colère, la dépression et l’acceptation.

1. Le choc, ou la surprise blessante

Le choc émotionnel (ou psychologique) résulte d’un événement traumatisant qui submerge la faculté que possède un individu à faire face aux émotions qu’il ressent lorsque celui-ci survient (perte d’un être cher, perte d’un amour, maladie, accident, handicap, perte d’un travail, perte d’un espoir, perte de la jeunesse, etc.) Lorsque le choc n’est pas pris en charge, il peut entraîner un traumatisme psychique. Ce dernier se caractérise par des symptômes qui perdurent dans le temps (anxiété, troubles obsessionnels).

Il n’y a pas toujours de rapport entre la gravité objective d’un événement et ses conséquences sur l’équilibre psychique d’une personne. Ce qui compte, ce n’est pas tant ce qu’il s’est effectivement passé que la manière dont l’a vécu et ressenti l’individu.

Comprendre ses émotions, c’est se donner les moyens de traverser l’épreuve. La particularité du choc est qu’il concentre une très forte intensité émotionnelle. Les émotions sont à la fois denses et mélangées. Les études ont montré depuis longtemps le lien entre les émotions « désagréables et le déclenchement des maladies ».

La conscience de soi une [composante de l’intelligence émotionnelle] étend la compréhension et le savoir d’une personne. Elle permet notamment à un individu de connaître ses valeurs et ses buts à atteindre : l’individu sait ce qu’il veut, ce qu’il ressent, ce qu’il souhaite. Une personne qui a conscience d’elle – même est axée sur le « sens de sa vie ».

2. Le déni, ou la peur refoulée

Le déni est un mécanisme de défense, il est « suspension du jugement subjectif ». Ce refus du réel se caractérise par des stratégies d’évitement ; le refoulement inconscient fait ainsi suite à une émotion forte que la personne ne parvient pas à intégrer. C’est le cas notamment lors de l’annonce d’une maladie grave à un patient ou à la suite du décès soudain d’un conjoint ou d’un enfant. La conscience se réfugie alors dans le déni, ce qui permet de refuser la perception de la réalité et de rejeter ce qui est ressenti comme intolérable.

Le déni engendre à l’intérieur de soi une sensation diffuse et permanente de stress, de danger. Il entraîne aussi en compensation des comportements rigides et défensifs, qu’il est important de savoir identifier. L’émotion au cœur du déni est la peur.

Toute la question réside dans l’adéquation entre la situation réelle vécue et le mécanisme de défense mis en œuvre. Si le cerveau reptilien est là pour assurer notre survie, il peut aussi contribuer en fonctionnant à l’excès à nous mettre sur le qui-vive en permanence. Ceci est d’autant plus vrai que nous développons tous des mécanismes de défense qui font un écran à la prise de conscience de nos peurs.

Pourtant, travailler sur ses peurs peut être intéressant, voire essentiel, en fonction de son chemin de vie. Il existe des méthodes qui vont travailler directement sur des souvenirs traumatiques (telles que l’EMDR 38 ou bien l’EFT 39). Ces approches par la désensibilisation permettent « d’effacer » dans le cerveau la charge émotionnelle. Elles sont particulièrement efficaces pour les chocs traumatiques, les situations à répétition et les phobies.

3. Le marchandage, ou la ronde des jeux

Dans cette étape du marchandage, il y a une colère contre la situation, contre l’épreuve. La personne n’accepte pas la réalité, et en même temps, elle ne peut plus l’ignorer totalement.

Cela peut être une colère contre celui ou celle qui nous « abandonne » (rupture sentimentale, licenciement, mort d’un proche). Ce face-à-face avec le réel crée des frustrations. Une culpabilité corrélée à la colère et à la tristesse est souvent présente aussi dans cette phase du marchandage : « Qu’aurais-je pu ou dû faire pour éviter le drame ? »

Quant à la peur, elle est également présente, de façon diffuse et parfois de façon plus aiguë lorsque le réel devient plus confrontant.

Le marchandage est une étape très importante, car nous marchandons beaucoup avec la vie. Nous marchandons chaque fois que nous ne l’acceptons pas telle qu’elle est. Lorsque la vie nous envoie ou plutôt lorsque nous nous créons des expériences agréables, il est facile de les accepter, comme un dû ou comme un cadeau (là est la différence).

Mais le plus souvent, lorsqu’il nous arrive des expériences désagréables, nous ne voyons plus du tout les choses de la même manière. L’expérience désagréable est vécue comme un manque de chance, une injustice, une agression, une erreur. Notre premier réflexe est d’envisager l’expérience désagréable comme quelque chose qui n’aurait pas dû arriver.

Pratiquer la pleine conscience, c’est justement prendre l’expérience comme elle est et faire un avec elle. La possibilité de changement et la liberté qui l’accompagnent sont à cette condition.

4. La révolte, ou la colère intense

Quel que soit le nom qu’on lui donne, « révolte » ou « rébellion », le refus face à ce qui est perçu et vécu comme inadmissible met en œuvre une très grande énergie de vie. L’enjeu est de parvenir à canaliser cette énergie de façon constructive. C’est ainsi que de nombreuses associations sont créées à la suite d’une épreuve personnelle (perte d’un enfant ou d’un proche, maladie, handicap, endettement, addictions, illettrisme, etc.) afin d’aider d’autres dans la même situation.

La colère est une émotion de réparation face à un préjudice. Elle est ainsi une incroyable source d’énergie vitale et savoir la canaliser permet d’en faire une alliée très appréciable dans sa vie.

Dans une approche de pleine conscience, voir ses agacements permet d’identifier les zones d’inconfort que j’ai avec le réel. Il s’agit d’une écoute subtile de mes états intérieurs et de mes gestes corporels. En effet, le corps sait exprimer l’agacement, notamment par des mouvements d’agitation (pieds, mains…) ou par un changement d’intonation de la voix.

Le chemin pour accueillir mon agacement est de développer mon écoute intérieure. Plus je suis à l’écoute de ce qui se passe en moi, moins je suis agacé·e car cette écoute permet un recentrage qui fait disparaître l’état d’agacement.

5. La dépression, ou la tristesse enfouie

Quelle que soit la forme que la souffrance prenne, physique ou psychique, deux attitudes sont possibles : la résistance ou le lâcher-prise. Résister veut dire, selon moi, tenir le coup, se contracter, tenir bon. Cette attitude est possible un certain temps, et dépend largement du mental. Elle a des limites qui sont celles du corps et du psychisme qui peuvent lâcher d’un seul coup.

Lâcher prise suppose d’accepter pleinement la situation dans l’instant présent qui est libérateur, car il enlève les émotions liées au passé et au futur.

Vivre l’instant présent pour sortir d’une tristesse enfouie. HolgersFotografie/Pixabay, CC BY-SA

Tout comme la nostalgie, l’anticipation empêche d’accueillir le moment présent et de faire un avec ce qui m’arrive, la douleur de mon corps, de mon esprit, de mon cœur, toutes mes fragilités. C’est la raison pour laquelle, selon moi, la pratique de l’instant présent est la seule qui puisse vraiment me libérer.

Si j’accepte d’être complètement là dans l’instant présent, mon corps (en dépit des douleurs liées à la maladie, à la perte d’un être cher, ou à toute autre forme de perte ou de manque) va se détendre. Cette détente est due au fait que je cesse d’avoir des attentes, d’être sur le qui-vive de « quelque chose qui va arriver », de « quelque chose qui aurait dû arriver » ou bien dans la rumination de « quelque chose qui n’aurait pas dû arriver ». Je suis juste « là ».

Dans cet espace particulier, je peux accueillir tous les possibles de ma vie.

6. L’acceptation, ou la joie retrouvée

Accepter ce qui est suppose de regarder sa vie en face, telle qu’elle est. En lâchant la résistance, le contrôle et la pression, un espace se crée entre ma réalité et moi-même. Dans cet espace libéré, la conscience peut surgir. Cette pleine conscience devient alors lieu de guérison, de transmutation, de libération.

Avant d’envisager l’acceptation, il est important de comprendre ce qu’est la non-acceptation. Elle est en effet plus facile à appréhender quand l’étape de l’acceptation n’a pas encore été franchie.

La non-acceptation est un état de résistance au réel qui crée un mal-être, voire une violence, à l’intérieur de moi-même. Si je n’accepte pas une situation, un état de fait, je me coupe de la vie. J’entre dans une communication violente (et réactive) avec moi-même et avec mon environnement.

 

7. S’en remettre à plus grand que soi

Il y a des événements qui ne sont pas compréhensibles sur le plan de la conscience ordinaire. Comment comprendre la mort d’un enfant, cet arrêt brutal d’une vie en marche ? Comment comprendre le suicide d’un proche, ce choix d’arrêter le cours de sa propre vie ? C’est incompréhensible, révoltant et culpabilisant.

Comment comprendre la violence faite aux enfants et à tous les êtres faibles ? Là aussi, cela dépasse l’entendement.

Face à cette impossibilité à comprendre, deux possibilités nous sont offertes.

La première consiste à se révolter et à en vouloir aux autres, à la vie et en premier lieu à soi-même. La colère est une étape importante dans le processus de deuil et elle doit être vécue pour renaître. Mais elle n’est qu’une étape. Rester coincé·e dans la colère toute une vie, voire sur plusieurs générations, n’est pas la solution.

La seconde attitude consiste à accueillir les émotions du processus de deuil vécues dans l’épreuve, et à un moment, à faire un grand saut. Sauter dans l’inconnu, l’incompréhensible, l’incontrôlable et dire à la vie : « Je ne sais pas et je te fais confiance. C’est toi qui conduis ma vie. Montre-moi le chemin. Aide-moi à avancer vers ce qui est juste pour moi et pour le monde. »

Il s’agit de s’en remettre à plus grand que soi. Peu importe son nom. Ce qui compte, c’est la liberté donnée par cet abandon et la capacité à se laisser guider par ce qui nous dépasse.

C’est ainsi que l’épreuve peut être entièrement traversée. Dans cet accueil de ce qui est dans l’instant présent, tout est possible, parce que c’est la vie qui œuvre et qu’elle est illimitée.

Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.